Derrière l'aide alimentaire, les bénévoles de l'ombre
29 décembre 2023 — Solidarité
Secours populaire, épicerie, centre social : les bénévoles de ces structures travaillent d’arrache-pied tout au long de l’année pour aider les personnes en difficulté. Leurs missions, les liens avec le Département et les bénéficiaires sont mis en lumière au cours d’une série d’articles et de podcasts à venir. Aujourd’hui : la Banque alimentaire.

Comme chaque matin, au dépôt de la Banque alimentaire situé sur la zone d’activité du Houlme, près de Rouen, une cinquantaine de bénévoles s’active depuis 7 heures. Un camion rentre de la « ramasse », la tournée des chauffeurs partis récupérer les invendus qu’il faut maintenant décharger. En binôme avec Yves, accompagnateur, Bernard, bénévole depuis 12 ans, affiche fièrement ses 84 ans : « Je viens ici tous les mercredis matin pour cette tournée d’une dizaine de magasins, de Rouen à Pavilly ». Les produits seront ensuite triés en fonction de leur nature, frais ou secs, de leur date de péremption avant d’être stockés en attendant la distribution. « Il y a toujours quelque chose à faire », reconnaît Christopher, 19 ans, en service civique. Aujourd’hui à la préparation des colis, il travaille aussi bien au tri, à la décharge des camions et demain, il se rendra dans les écoles pour sensibiliser au gaspillage alimentaire.
Jour après jour, au rythme des camions, le ravitaillement fonctionne ainsi en continu ; mais autant de denrées quittent le dépôt pour satisfaire les besoins toujours croissants des associations. Ajuster en permanence les stocks aux demandes, c’est l’exercice d’équilibriste auquel Christine Robyn, présidente de la Banque alimentaire de Rouen et elle-même bénévole, doit se livrer au quotidien avec ses 9 salariés et l’équipe des bénévoles. Entre les contraintes d’hygiène, de traçabilité, la gestion des chambres froides... « C’est une véritable PME à gérer ! »
Lutter contre la précarité
Premier réseau d’aide alimentaire en France, les Banques alimentaires sont implantées en deux endroits de la Seine-Maritime : à l’est, la Banque alimentaire de Rouen intervient sur les deux-tiers est du territoire. À l’ouest, celle du Havre couvre la pointe de Caux. Le réseau fait partie des associations soutenues par le Département, historiquement engagé contre la pauvreté et la précarité alimentaire, et financées pour leur fonctionnement à hauteur de 670 000 € en 2022.La spécificité des Banques alimentaires réside dans l’absence de lien direct avec les bénéficiaires. Le concept inspiré des "food banks" américaines fut importé en France en 1984 par un responsable d’agence bancaire, Bernard Dandrel, avec cinq associations caritatives (le Secours Catholique, Emmaüs, l’Armée du Salut, l’Entraide d’Auteuil et l’Entraide protestante) désireuses d’agir face au constat du gaspillage. Depuis, le cercle s’est élargi : centres communaux d’action sociale, associations d’entraide, épiceries sociales… Ce sont quelque 80 structures qui se fournissent actuellement à l’antenne de Rouen pour 3 000 tonnes de produits distribuées par an et une trentaine au Havre avec 1 400 tonnes écoulées.
Côté grand public, c’est surtout la grande collecte d’hiver organisée fin novembre à l’échelle nationale dans la grande distribution qui a fait connaître la Banque alimentaire. « Mais en réalité, les dons des particuliers ne couvrent qu’environ 5 % des besoins », tempère Gilbert Bellet, président de la Banque alimentaire du Havre et du groupement des cinq Banques normandes. La majorité des denrées vient des surplus de l’industrie agroalimentaire et d’appels d’offres passés à l’échelon européen dans le cadre du Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis (FEAD). Plus à la marge, la « ramasse » des invendus permet quant à elle de tisser des liens et d’impliquer le commerce local ; et certains producteurs ou agriculteurs contribuent à l’apport en produits frais par des dons en nature. Enfin, les Banques alimentaires peuvent toujours procéder à des échanges entre elles pour varier leur approvisionnement.