Ces derniers jours, la pluie n’a cessé de tomber à Bardouville, transformant la terre en une boue collante. Se déplacer entre les pommiers devient un défi sans une bonne paire de bottes. Malgré les conditions climatiques difficiles, Anaïs et Benoît Ferrand-Milet ne relâchent pas leurs efforts : entre l’entretien hivernal des arbres fruitiers et la préparation des commandes pour leurs clients habituels, les journées sont bien remplies. Derrière ces gestes du quotidien, une transition importante est en marche : la conversion en agriculture biologique et le renouvellement des cultures pour proposer des fruits de qualité, principalement distribués en circuits courts via des intermédiaires locaux.
Une reprise atypique
Il y a quatre ans, Anaïs et Benoît ont découvert les Vergers de Ronceray par une petite annonce. « Un verger historique de la vallée de la Seine était à reprendre, et nous ne voulions pas laisser passer cette opportunité », raconte Anaïs. Ingénieurs agronomes, ils connaissaient le monde agricole mais n'avaient jamais dirigé leur propre exploitation. Il leur a fallu apprendre sur le terrain, comprendre le verger, s’adapter au rythme des saisons. Aujourd’hui, ils cultivent des pommes, des poires et des cerises sur une dizaine d’hectares. « Par le passé, il y avait aussi des pruniers, mais nous les avons arrachés pour les renouveler. Il faudra patienter plusieurs années avant qu’ils ne donnent des fruits », précise l’arboricultrice.
De l’agriculture raisonnée au bio
Jusqu’à l’été dernier, Anaïs et Benoît travaillaient en agriculture raisonnée. « On utilisait des pièges et des systèmes de comptage d’insectes pour évaluer la pression des ravageurs et n’intervenir qu’en cas de besoin », explique la jeune femme. Pour eux, passer en agriculture biologique est une évolution logique. « Nous voulions aller plus loin dans notre démarche en produisant de façon plus respectueuse de l’environnement, tout en répondant à la demande croissante pour des fruits bio locaux », précise-t-elle. Cette transition a bouleversé leurs pratiques. A défaut de traitements chimiques, ils doivent désormais s’appuyer sur des méthodes alternatives comme la sélection de variétés plus résistantes ou l’utilisation d’engrais organiques. « Nous avons dû repenser entièrement notre manière de travailler, notamment en supprimant certaines cultures comme les fraises et les framboises, trop sensibles aux mouches des fruits ».
Les abricotiers sous serre, un pari audacieux
Toujours animés par cette envie d’innover, Anaïs et Benoît se lancent aujourd’hui dans un projet inédit en vallée de Seine : la plantation de 200 abricotiers. « Nous voulons proposer des abricots cueillis à maturité, avec du goût, contrairement à beaucoup de fruits qui viennent de plus loin », explique Anaïs. Pour y parvenir, ils misent sur la culture sous serre. Sensibles à l’humidité et aux gelées tardives, les abricotiers nécessitent un environnement protégé pour garantir une production stable. Les premiers fruits devraient arriver d’ici trois à quatre ans, avec une production optimale dans une dizaine d’années.
Une distribution locale et diversifiée
Si la production évolue, la commercialisation reste fidèle aux circuits courts. Le Marché d’Intérêt National (MIN) de Rouen est leur principal point de vente. Sur place, Anaïs et Benoît disposent d’un « carreau » où ils échangent directement avec primeurs, épiciers et restaurateurs. Le couple livre aussi plusieurs cantines scolaires et quelques grandes surfaces locales. La vente directe à la ferme se fait uniquement sur rendez-vous. « Nous n’avons pas de boutique, mais nos clients habituels nous appellent pour organiser leur venue », précise Anaïs. Enfin, les Vergers de Ronceray sont référencés sur la plateforme Mon Panier 76, mise en place par le Département de la Seine-Maritime. Ce service permet aux habitants de repérer facilement les producteurs proches de chez eux. « C’est un excellent moyen de gagner en visibilité et d’encourager la consommation locale », conclut la jeune arboricultrice.