Tout est bon dans le cresson
07 avril 2025 — Agriculture
Le printemps est un moment privilégié pour retourner sur les marchés faire le plein de produits de saison, locaux et à un prix accessible. Parmi eux, un légume connu depuis l’Antiquité pour ses multiples bienfaits et aujourd’hui quelque peu oublié : le cresson. Rencontre avec l’un des derniers cressiculteurs de Seine-Maritime, mais qui pourrait aussi bien être … un pionnier.

En Seine-Maritime, les producteurs de cresson se comptent désormais sur les doigts d’une main. Pourtant, il faut savoir que le département, fut par le passé l’un des grands pourvoyeurs de la région parisienne, du fait de ses nombreuses sources et cours d’eau. Selon l’anecdote, la plante aurait été rapportée en France par Napoléon. Sur le retour de sa campagne de Russie, il se serait étonné de voir cette plante potagère aquatique toujours verte au milieu des champs enneigés et en devint rapidement un grand consommateur.
Une activité à reprendre
« C’est surtout à partir des années 70 que la production a commencé à décliner. Vers 2000, les cressiculteurs n’étaient déjà plus qu’une vingtaine en Seine-Maritime » explique Étienne Bouquet. Lui, a repris il y a trois ans la cressonnière du Tôt (Clères), qui existait depuis le milieu du XIXe siècle. « Quand une production n’intéresse plus personne, c’est peut-être justement là, qu’il y a des choses à faire ! » relève-t-il. Ingénieur agronome de formation, fils d’agriculteurs de Biville-la-Baignarde, il cherchait une activité à reprendre. Le dernier cressiculteur de Clères partait en retraite, c’était l’occasion.La seule salade d’hiver
« Le cresson est resté très longtemps la seule salade consommée l’hiver », rappelle Étienne Bouquet. Avant l’arrivée des serres, de la culture de l’endive et des salades d’Espagne qui l’ont par la suite supplanté. Quelques cas isolés de douve du foie sur du cresson de rivière (aujourd’hui interdit) achèvent de reléguer cette culture pourtant ancestrale. D’autant qu’elle demande aussi beaucoup de main d’œuvre, car du semis au conditionnement, tout se fait manuellement.Un concentré de bienfaits
Les bottes au pied, Étienne Bouquet nous emmène visiter les installations. Vingt bassins s’étendent sur un hectare entre la route des moulins du Tôt et la Clérette, irrigués par l’eau fraîche et claire jaillie d’une source située sur l’exploitation. Seul le cresson de source est désormais autorisé pour éviter tout risque de contamination. « L’eau s’écoule ensuite par gravité et le cresson y capte ses nutriments » explique le producteur. La marne qui tapisse le fond des bassins est ensemencée dès l’été pour un début de récolte mi-septembre et ce, jusqu’à la fin mai avec cinq ou six coupes par an. Baigné dans une eau à 11°C, le cresson en effet ne gèle pas.« Il serait possible de prolonger la saison au-delà du mois de mai, mais dans l’esprit des gens, le cresson reste très associé à la soupe et à l’hiver ». A tort, pour Étienne Bouquet qui voudrait réhabiliter le goût du cresson en salade avec son léger piquant et surtout ses nombreuses vertus pour la santé quand on le consomme cru. Fibres, antioxydants, minéraux font du cresson un véritable concentré de bienfaits qui ont achevé de convaincre Étienne Bouquet que cette production avait à nouveau de l’avenir. « Il y a plus de vitamines dans un kilo de cresson que dans un kilo d’oranges ! »
Retrouver la cressonnière du Tôt sur les marchés : le mercredi à Mont-Saint-Aignan, le samedi à Dieppe, le dimanche sur le clos Saint-Marc à Rouen.