« S'indigner et agir »
05 février 2025 — Social
Elles ont entre 25 et 28 ans, plaident pour une société qui met l’humain au centre de ses priorités. Lauréates en novembre dernier des trophées Jeunes entrepreneurs de l’Économie sociale et solidaire, organisés par le Département, Germaine Marié (prix de la solidarité), Pauline Beuzelin (prix de l’innovation), Marine et Clémence Dugord (prix coup de cœur) partagent aujourd’hui leur expérience d’entreprendre à l’heure de la transition sociale et écologique.

Trois projets nés de l’après-covid. À bien des égards, la crise sanitaire a éveillé les consciences, fait naître de nouvelles envies, une autre façon de penser les rapports humains, qui rejoignent les compétences départementales autour des solidarités et du social. Pour Germaine Marié, Pauline Beuzelin, Marine et Clémence Dugord, c’est le moment de passer des idées à l’action. La première fonde ainsi l’association Toit à Moi Rouen Normandie qui investit dans le logement pour héberger des personnes à la rue et favorise leur réinsertion sociale en les entourant avec une équipe de bénévoles. La seconde crée l’atelier de confection textile Mijuin et contribue à la renaissance d’une filière lin en Seine-Maritime. La troisième imagine avec sa sœur Clémence Inser’gener’action, une résidence associative implantée à Elbeuf, qui accueille en colocation solidaire 13 habitants de tous âges autour d’un projet de vie partagé. Chacune à leur façon, ces jeunes femmes révolutionnent ainsi le monde au quotidien et proposent trois parcours inspirants.
Quatre questions à Germaine Marié, Pauline Beuzelin et Marine Dugord :
D’où vous est venu cet intérêt pour l’Économie sociale et solidaire ?
Germaine Marié : Je me suis orientée vers un master en économie sociale et solidaire après des études de gestion qui ne me convenaient pas. Pour moi, l’économie doit rester un moyen au service de projets qui ont du sens.
Pauline Beuzelin : J’ai commencé aussi par des études de gestion, et après deux années et demie passées dans un grand groupe informatique, j’ai voulu m’investir dans un projet plus en adéquation avec ma prise de conscience sociale et environnementale. Plusieurs rencontres m’ont amenée à m’intéresser à la filière lin. Avec ma colocataire de l’époque, l’activiste Camille Etienne, nous avons fait durant l’été 2020 le tour à vélo des acteurs du lin en Seine-Maritime, et c’était parti !
Marine Dugord : En ce qui me concerne, j’ai un double master en Économie sociale et solidaire et en Développement durable. Logiquement, je me suis orientée vers les métiers en lien avec les politiques RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) sans y trouver mon compte. Au même moment, ma sœur accueillait des jeunes mineurs isolés, très en demande d’échanges et de lien social. C’est ainsi que nous avons eu l’idée d’Inser’gener’action,
À partir d’une idée, faire aboutir un projet, c’est un sacré défi ?
GM : L’association a été lancée il y a deux ans et nous avons, depuis, acquis trois logements qui hébergent deux familles (dont une monoparentale) et une personne seule. Après la phase de lancement, notre préoccupation est désormais de pérenniser le modèle économique. Pour acheter un logement, nous devons trouver 80 parrains et marraines qui s’engagent à donner 20 € par mois pendant 5 ans. Quant à la partie « accompagnement », elle est financée par du mécénat d’entreprise ou des aides publiques. Le défi, c’est de trouver des personnes qui acceptent de vous faire confiance. Nous organisons aussi un événement phare « Courir pour Toit », un challenge sportif au profit des sans-abris qui aura lieu d’ailleurs prochainement, du 7 au 31 mars.
PB : De notre côté, nous avons fait le pari de fabriquer en France, mais les coûts sont évidemment beaucoup plus élevés. L’objectif était de participer à la dynamique de relance d’une filière locale, en lien avec l’implantation de deux filatures dans l’Eure et les Hauts-de-France. Maintenant, nous espérons évidemment qu’un cercle vertueux se mette en place pour asseoir durablement cette activité.
MD : Quand nous avons parlé de notre projet, les gens ont applaudi. Mais ensuite, il faut faire ses preuves, et être sur tous les fronts ! À la fois chef de chantier, juriste, animateur, pour trouver les financements, le lieu, convaincre les partenaires, etc. L’important alors, c’est d’être bien entouré.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous porte ?
GM : « S’indigner et agir », c’est le slogan que nous avons choisi pour notre association, et c’est exactement mon état d’esprit. Avoir un impact concret sur des personnes que je côtoie régulièrement est une vraie satisfaction, je pense notamment à une petite fille qui peut désormais dormir sous un toit.
PB : En effet, le meilleur moyen de ne pas céder à l’anxiété ambiante, c’est d’être dans l’action. Avec notre petite équipe de huit personnes, nous prouvons chaque jour que c’est possible de créer de la valeur économique là où nous sommes, tout en portant un projet écologique et social. Trois ans après la création de l’entreprise, nous constatons d’ailleurs que nous sommes de plus en plus écoutés.
MD : Je compléterais en disant que tant qu’on n’essaie pas, on ne peut pas savoir si cela fonctionne. Aujourd’hui, je suis fière d’avoir un travail qui a du sens. Ce sont surtout les habitants et leur implication qui nous portent au quotidien et nous donnent envie d’entreprendre pour eux.
Ces trophées organisés par le Département pour soutenir l’entreprenariat économique social et solidaire prévoyaient une dotation financière de 5 000 € pour chaque lauréat ainsi qu’un accompagnement. Comment avez-vous reçu ces prix ?
GM : C’est une reconnaissance de notre travail et un soutien qui est toujours le bienvenu. Cela prouve qu’il faut croire en soi et faire connaître ses idées. Quel que soit le métier que l’on veut faire d’ailleurs, il y a toujours une manière de le faire en portant des valeurs sociales et environnementales.
PB : Je confirme, c’est une aide utile pour amorcer nos projets. C’est important aussi d’aller chercher du soutien et de la visibilité locale. En en parlant, cela peut inspirer aussi d’autres projets.
MD : Cette reconnaissance est la preuve que ces projets ont du sens et qu’il est possible de défendre une vision sociale, même si cela prend du temps et de l’énergie. Je le dis notamment aux jeunes qui ont souvent beaucoup d’idées.