Laurent Levillain : la magie de la céramique s'expose au Département
13 mars 2025 — Culture et Patrimoine
Jusqu’au 21 mars, l’Hôtel du Département accueille une belle exposition de l’association Céramique en Normandie. Quinze céramistes présentent leurs œuvres dans l’espace central du grand salon, parmi lesquels Laurent Levillain, un artiste d’Elbeuf, au travail saisissant.

Dans le vaste hall habillé de velours noir, trois Lunes et deux Bonhommes comme décrochés du ciel, lorgnent le visiteur d’un œil carnavalesque. Troublantes, démesurées, étincelant de tous leurs émaux dans la lumière des projecteurs, ces sculptures monumentales ne peuvent être que l’œuvre d’un magicien. Son nom : Laurent Levillain, dit Lo, céramiste d’Elbeuf au talent fou, dont l’atelier est aujourd’hui installé dans la manufacture des carrelages de Saint-Samson à Saint-Samson-la-Poterie (Oise). Tout au long du mois de mars il expose à l’Hôtel du Département quelques-unes de ses créations au côté d’une quinzaine d’artistes normands, pour la majorité professionnels. Cinq pièces de grande taille, suspendues aux modules de scène côtoient des œuvres sur socle, dont ses « Nefs des fous », dernière série en date inspirée du peintre néerlandais Jérôme Bosch, évoquent le grand voyage de la vie.
Généreux et foisonnant, le travail de Laurent Levillain ne passe pas inaperçu, c’est le moins qu’on puisse dire, mais pour beaucoup de visiteurs, ce sera finalement une découverte. « Jusqu’à une période récente, j’ai peu montré ce que je faisais », reconnaît l’artiste au parcours hors-norme et qui n’a jamais voulu être exposé dans une galerie.
« Je n’étais pas préparé à devenir artiste »
Ingénieur chimiste de formation, propulsé dans le monde de l’industrie qui à l’évidence n’était pas fait pour lui, Laurent Levillain découvre l’argile il y a trente ans et devient potier. Sans transition, il consacre une décennie à apprendre méthodiquement son nouveau métier, les bons gestes, les techniques, l’émaillage. Puis à désapprendre, condition de sa liberté. Et à transmettre enfin, en particulier auprès des enfants. La suite ne s’est pas fait attendre. « Les enfants m’ont contaminé » résume-t-il. Leur force de vie, leur imagination lui font l’effet d’un électrochoc. Laurent Levillain se lance alors dans la sculpture : « je n’étais pas préparé à devenir artiste, et en même temps, c’était pour moi une évidence ».Le mélange de la terre et du feu
Depuis, il a pris la matière à bras le corps, la triture, la façonne jusque dans les moindres détails pour en faire ses « bonshommes » comme il dit. Des œuvres puissantes, obsessionnelles, qui parlent de la condition humaine - sujet inépuisable - et exigent de lui une énergie folle.Organique, charnelle, l’œuvre dérange mais le maître a acquis un savoir-faire et excelle dans cet art qui procède à la fois de la terre et du feu. Occuper l’espace, c’est sa façon à lui de raconter toute l’exubérance de la vie, un volcan en éruption qu’il tente en vain de domestiquer. « J’use de subterfuges » admet Laurent Levillain qui après avoir connu l’extrême précarité fait désormais quelques concessions à sa survie sociale : « j’ai réduit la taille de mes pièces et je propose même de les louer ! » plaide-t-il fièrement. Moyennant une rétribution modeste et un bon repas, ce concept original lui permet de promener ses sculptures de maisons en appartements, au gré des coups de cœur de leurs habitants. « J’aime cette idée que les œuvres passent ainsi de main en main, s’enrichissent de chaque vie ! ».
Les Lunes, Nefs et Bonshommes de Laurent Levillain sont à découvrir dès aujourd’hui et jusqu’au 21 mars, de 10 h à 17 h dans le Grand salon de l’Hôtel du Département, avec quinze autres artistes normands. Entrée libre, quai Jean Moulin.