S.O.S., paradis en danger
15 avril 2025 — Culture et Patrimoine
Jusqu’au 28 septembre, l’artiste Caroline Desnoëttes expose au Parc de Clères son Paradeisos, en hommage à l’ornithologue Jean Delacour, fondateur du parc. Une exposition sensible, pour repenser la relation de l’humain avec le monde vivant.

Paradeisos. Pour l’artiste Caroline Desnoëttes, le nom s’est imposé de lui-même, en découvrant le Parc de Clères, un « petit paradis », en pensant à la Terre aussi, ce paradis que nous ne regardons plus : « le Paradeisos en grec ancien », précise celle qui utilise toujours des noms latins ou grecs comme titres de ses expositions.
Jean Delacour, une « rencontre incroyable »
En lui donnant « carte blanche » pour une exposition à Clères, on ne pouvait pas lui faire plus plaisir. « Quand je me lance dans un travail, j’ai besoin d’abord de m’imprégner des lieux, de rencontrer les équipes, de faire l’inventaire des ressources locales », explique l’artiste. Mais à Clères, il y avait surtout Jean Delacour, créateur en 1920 du parc, éminent scientifique franco-américain, ornithologue, naturaliste et esthète. « Ce fut pour moi une rencontre incroyable ! », confie Caroline Desnoëttes, encore impressionnée. L’homme l’inspire. La lecture de ses mémoires la passionne. La découverte du Parc de Clères est un coup de cœur.Plus qu’une affinité, elle ressent une véritable fraternité de pensée avec l’ornithologue. Lui, avec ses voyages, son érudition, sa rigueur scientifique ; elle l'imagine posté derrière sa fenêtre tel un marin dans son phare. Elle, avec ses couleurs, ses volumes, ses pinceaux, sa sensibilité. « Nous poursuivons le même objectif, chercher l’intime avec le vivant. Réenraciner le monde ».
Caroline Desnoëttes, artiste engagée
Peintre, dessinatrice, plasticienne, Caroline Desnoëttes mène depuis plus de 15 ans un travail engagé pour remettre l’art au centre de notre perception, auprès d’enfants hospitalisés, à travers ses livres ou en participant à des expositions qui toutes alertent sur la mise en danger de la biosphère.Dans cette recherche, elle n’hésite pas à dialoguer avec des scientifiques, chercheurs, bioacousticiens, musiciens, à créer des ponts entre les disciplines pour nourrir ses questionnements. Mais ce qui la fascine avant tout, c’est la matière, sur laquelle toute sa démarche est fondée. En 2022 à Riom, elle façonne ainsi un igloo en coquilles Saint-Jacques. En 2024, pour le sommet international ChangeNOW à Paris, elle donne une voix à l’océan avec Vox Oceano, une installation sonore sur le chant des baleines.
Après avoir travaillé les algues, les coquillages, la terre, la paille, place donc au lin, aux copeaux de peuplier, au sable des berges de Seine pour nous réconcilier avec le monde sensible. Caroline Desnoëttes en est consciente, réenchanter est un travail de longue haleine, mais l’artiste n’est pas à court d’idées pour éveiller à la beauté.
Faire renaître l’émerveillement
On en veut pour preuve cette diversité de créations à laquelle elle nous convoque dans cette installation. Un travail à la fois très pensé, et perméable aux fulgurances, organique, éphémère, à l’image de ce qu’est, finalement, la nature. Paradeisos, tapisserie monumentale de papier coloré - qui a donné son nom à l’exposition – y côtoie ainsi un Nid douillet en lin où l’on peut s’isoler pour écouter les bruissements de l’aube ou du crépuscule, ou encore, Généalogies, une galerie de créatures hybrides, à la fois humaine, végétale, animale. Tandis que dans le jardin, des oculi en bambou et lianes de clématites sauvages, transforment le visiteur en guetteur, l’invitent à fixer son attention sur un morceau de paysage.Le message de Paradeisos est limpide : « Nous vivons sur une terre paradisiaque, et nous sommes en train de détruire les conditions de notre propre existence. Paradeisos, c’est aussi le Paradis S.O.S. ». Caroline Desnoëttes sonne l’alerte et par son art, nous invite à réensemencer notre imaginaire pour retisser le lien qui nous unit au monde vivant. « Il est temps de faire renaître l’émerveillement ».
Paradeisos, jusqu’au 28 septembre, à découvrir au Parc de Clères.